Dans une interview exclusive, Matteo Jorgenson, pilier de la Visma | Lease a Bike, dresse un bilan sans concession du Tour de France 2025. Entre la recherche vaine d’une faille chez Tadej Pogačar, une infection pulmonaire qui a brisé ses ambitions et le soulagement apporté par la victoire de Wout van Aert, l’Américain livre une analyse aussi technique que lucide sur l’hégémonie de la UAE Team Emirates. Récit d’une bataille perdue d’avance, mais menée jusqu’au bout.
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Le constat est limpide, presque brutal. Au micro du podcast Domestique Hotseat, Matteo Jorgenson n’esquive rien. Lieutenant de Jonas Vingegaard sur le Tour de France 2025, l’Américain de la Visma | Lease a Bike admet l’évidence : face à la domination écrasante de Tadej Pogačar et de la UAE Team Emirates, son équipe s’est heurtée à un mur. « Nous avons usé de tous les stratagèmes imaginables » confie-t-il. Une confession qui en dit long sur le niveau de préparation et de désespoir tactique face à un phénomène.
La quête impossible de la faille
Visma | Lease a Bike face au dilemme Pogačar : jouer toutes les cartes… pour rien ?
La stratégie était claire dès le départ. « En situation normale, le battre à la pédale relève de l’impossible » assène Jorgenson. L’équipe néerlandaise, habituée à dicter sa loi, a dû se réinventer en équipe de guérilla. L’objectif ? Trouver la micro-faille, l’instant de fragilité chez un coureur qui semble défier les lois du cyclisme.
« Pendant les dix premiers jours, nous avons scruté chaque geste, chaque regard, chaque tempo. Nous cherchions un jour off, une faiblesse. Elle n’est jamais venue. Il a couru un Tour… parfait. »
La seule opportunité s’est présentée avec la chute de Pogačar en première semaine. Mais dans un sport où l’éthique chevauche souvent la tactique, Visma a choisi de ne pas attaquer. Un geste salué, mais qui pèse lourd dans le bilan. « C’est bien pour le sport de le voir gagner ainsi… mais en tant qu’adversaire, c’est une frustration immense » concède Jorgenson, sans amertume.
Une marge de victoire tellement large qu’elle rend tout scénario obsolète
Interrogé sur les rumeurs de problèmes au genou de Pogačar en troisième semaine, le propos de Jorgenson est cinglant de réalisme.
« Sa marge était telle que même un incident majeur en dernière semaine n’aurait pas inversé la tendance. S’il a été sous pression sur ce Tour, alors chapeau bas. » Un aveu qui résume à lui seul l’écart abyssal creusé par le Slovène. La bataille du général était pliée avant même les premiers cols alpins.
Le coup du sort : l’infection pulmonaire qui a tout compromis
De la 5e à la 19e place : comment la maladie a brisé le Tour de Jorgenson
Au-delà de la défaite collective, Jorgenson vit un parcours personnel en dents de scie. Brillant lors de la première semaine, il pointe même à une prometteuse 5e place du classement général. Le premier jour de repos sonne le glas de ses espoirs. « J’ai contracté une infection pulmonaire. Dans les hautes montagnes, je n’avais plus rien. Zéro. »
De soutien potentiel pour Vingegaard dans les ascensions décisives, il devient un survivant, luttant pour terminer l’épreuve (19e au classement général final). Cet épisode rappelle à quel facteur la santé reste l’élément le plus imprévisible et le plus cruel d’un Grand Tour.
Van Aert à Paris : la rédemption par l’équipe
La victoire de Wout van Aert, un baume sur une contre-performance collective
Dans ce contexte de suprématie adverse, la victoire de Wout van Aert lors de la dernière étape sur les Champs-Élysées prend une saveur particulière. Elle n’est pas qu’un succès d’étape ; c’est une revanche morale, la preuve que le collectif Visma n’a jamais baissé les bras.
Jorgenson, acteur clé de l’échappée victorieuse, revient avec émotion sur ce moment. « Distancer le maillot jaune dans la montée de Montmartre, voir Wout s’envoler… J’étais juste derrière, en train tout lâcher, mais je voyais l’histoire s’écrire. C’était notre façon de dire : nous sommes là, nous nous battons. »
Cette victoire agit comme un symbole : même dans un Tour dominé par un seul homme, l’esprit d’équipe, l’agressivité et la persévérance peuvent payer. Elle offre une ligne positive au bilan d’une formation qui, malgré la défaite au général, maintient sa culture de gagnants.
Croire pour exister
« Si on n’y croit pas, à quoi bon se préparer ? » : le credo de Visma face au géant
Malgré le constat d’échec, Matteo Jorgenson refuse tout défaitisme. Son analyse se termine sur une note de défi, presque philosophique. « Je crois toujours que nous pouvons le battre. Si tu ne le crois pas, alors il n’y a pas d’intérêt à se sacrifier à l’entraînement, à se préparer. Nous serons de retour, avec de nouvelles idées. »
Un message clair à l’attention de Pogačar et de la UAE Team Emirates : la Visma | Lease a Bike n’accepte pas la fatalité. Elle étudie, elle apprend, elle se réarme. Le duel pour le Tour 2026 est déjà lancé dans les têtes. Et si la supériorité actuelle du Slovène semble absolue, l’histoire du cyclisme nous a appris une chose : les dynasties finissent toujours par trouver leurs maîtres d’un jour.


