Alors que la trêve hivernale bat son plein, Tadej Pogačar a accordé deux interviews rares et révélatrices. Loin des clichés, le prodige slovène se dévoile : sur sa résilience après l’échec, sa vision des trois Grands Tours, ses projets avec Carlos Sainz. Un portrait intime d’un champion au sommet, mais plus humain que jamais.
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L’échec qui a forgé un empire
Le 19 juillet 2023 restera gravé dans la mémoire collective du cyclisme. Sur les pentes dévastatrices du Col de la Loze, un Tadej Pogačar à bout de forces murmurait à la radio : « Je suis fini, je suis mort. » Plusieurs minutes perdues, le rêve du troisième maillot jaune envolé. Un effondrement public. Le Slovène concédait ce jour là plus de 7 minutes à Felix Gall le lauréat de l’étape et plus de 5 minutes à Jonas Vingegaard.
Pourtant, dans les bureaux de la UAE Team Emirates, on regarde ce moment avec une perspective radicalement différente. Pour Mauro Gianetti, le PDG de l’équipe, cette défaite fut « le meilleur jour de sa carrière » . Une déclaration choc, expliquée par la suite des événements. Au lieu de sombrer, Pogačar s’est relevé. Trois jours plus tard, il remportait l’étape des Vosges. L’année suivante, il conquérait un quatrième Tour de France.
« 90% des coureurs auraient abandonné ce jour-là, a confié Gianetti au magazine RIDE. Lui a choisi de se battre. Il a accepté, et a voulu se racheter dans ce même Tour. C’est là qu’on a vu la taille de son caractère. »
Kigali, un contre-la-montre en demi-teinte
Si la Loze fut un creuset, l’année 2025 a aussi eu ses zones d’ombre. Interrogé par Sky Sport sur son contre-la-montre aux Mondiaux du Rwanda, Pogačar assume sans détour : « J’étais loin d’être dans ma meilleure forme. »
Une préparation en dents de scie et une condition physique en deçà de ses standards expliquent sa performance face à un Remco Evenepoel intraitable. « Je n’étais pas content, concède-t-il. Mais je savais que j’allais me racheter sur la course en ligne. » Une lucidité et une capacité à rebondir qui définissent désormais son mental d’acier.
Le rêve des trois Grands Tours et la réalité des calendriers
La question obsède les fans : Pogačar tentera-t-il un jour le Giro-Tour-Vuelta dans la même année ? Le Slovène tempère les espoirs avec un pragmatisme déconcertant. « Pas si simple. Il y a trop de jours loin de chez soi.«
Pour lui, enchainer les cinq Monuments dans une saison est un objectif bien plus réalisable. Mais il laisse planer le doute, avec cette phrase qui fait rêver : « Laissez-nous surprendre. » Une porte laissée entrouverte, tandis que son manager, Gianetti, trace les limites : « Nous devons veiller à ce qu’il n’ait pas plus d’environ 60 jours de course par an. Son style agressif demande une énergie colossale. »
2026 : Sanremo et Roubaix, le duo de l’extrême avec Carlos Sainz
L’une des révélations les plus surprenantes de ces interviews concerne la saison à venir. Pogačar a développé une amitié solide avec le pilote de Formule 1 Carlos Sainz. Et cette relation dépasse le cadre du simple soutien moral.
« Un grand ami… et un grand stratège, s’enthousiasme Pogačar. Je sais que pour Sanremo et Roubaix, je suis entre de bonnes mains et qu’on va se faire plaisir ! » Une collaboration inédite qui laisse imaginer une approche tactique et mentale renouvelée pour aborder ces deux monuments aux profils radicalement différents.
L’équilibre secret : Urška, le public et les projets de vie
Derrière le champion, l’homme trouve son ancrage dans la stabilité. Sa compagne, Urška Žigart, est présentée comme son pilier absolu. « Sans elle, cela aurait été plus difficile d’atteindre mes succès. C’est tout simplement magnifique. »
Son rapport au public le touche également profondément. De l’Italie à la Colombie en passant par la France, il est ému par cette ferveur transnationale. Parallèlement, il construit patiemment son avenir post-carrière avec le Pogi Team et la Fondation Pogačar. « Les deux initiatives ont bien démarré. Je serai ravi, une fois à la retraite, de leur accorder plus de temps. »
Une génération qui repousse les limites
Dernier enseignement : Pogačar a pleine conscience d’appartenir à une génération qui a transformé le cyclisme. « Entre mentalité, technologie et préparation, nous portons le sport à un niveau supérieur. Nous sommes obsédés par les détails. »
Cet état d’esprit, né de rivalités féroces et de défaites cuisantes, est aujourd’hui sa plus grande force. La chute de la Loze n’a pas été une fin, mais le début d’une nouvelle ère de domination. Et à l’aube de 2026, avec ses projets fous et son humilité intacte, Tadej Pogačar semble plus insatiable que jamais. La surprise, il promet de la livrer sur la route.


