L’équipe sud-africaine Dimension Data a quelque chose que les autres équipes n’ont pas. Une mixité de coureurs qui dépasse l’internationalisation du cycliste dans sa dimension sportive. Elle a en son sein des sportifs qui portent dans leur coeur l’Afrique, aux ressources naturelles et richesses pillées par des pays organisateurs de grandes courses. L’horreur n’épargne pas non plus cette terre qui s’endort aux rugissements du lion, le roi de la jungle qui ne meurt jamais comme les Légendes des Grands Tours. Le Critérium du Dauphiné 2017 a quant à lui un héros rescapé du génocide rwandais dans son peloton. Son nom est Adrien Niyonshuti, sorti vivant de la tragédie des Tutsis et que le cyclisme en a fait un Frère de route.
Le Critérium du Dauphiné 2017 sans les routes ocres du génocide
Adrien Niyonshuti a perdu une soixantaine de membres de sa famille à l’âge de 7 ans dont ses six frères dans le génocide du Rwanda en 1994. Sa famille a été décimée tandis que lui a réussi par miracle à se réfugier dans les bois le jour du massacre des siens. Rattrapé par des miliciens hutus il faillit être brûlé vif mais, fut sauvé in-extrémis par l’armée des Tutsis. Lorsque des événements malheureux surviennent, doivent-ils définir notre vie ou doit-on s’en servir pour devenir plus fort ? Le coureur africain âgé de 30 ans a véritablement opté pour le deuxième cap à donner à sa vie quand sa volonté farouche a tranché pour son avenir. Une prise de conscience entraînée par la force de son pouvoir intérieur l’a conduit vers le cyclisme. A l’âge de 16 ans, il commence la compétition dans le pays qui l’a vu naître. C’est alors qu’il attire l’attention de Jonathan « Jacques » Boyer, le premier coureur cycliste américain à avoir couru le Tour de France. Il a été l’un des coéquipiers de Greg Lemond, entre autres. L’ex-coureur professionnel (sorti de prison après avoir été condamné à un an ferme pour agression sexuelle sur une mineure) va prendre le prendre sous son aile et l’entraîner dans l’équipe nationale rwandaise. A partir de 2006, Adrien Niyonshuti gagne ses premières courses sur le Tour du Rwanda, dont trois étapes sur l’édition de 2008 et vainqueur de l’épreuve. La même année il signe un contrat avec l’équipe continentale sud-africaine MTN-Qhubeka qui deviendra Dimension Data en 2016. Du Rwanda à la France il y a eu une heureuse étendue du destin qui l’a amené à participer pour la première fois de sa carrière au Critérium du Dauphiné. Il a communiqué sa joie de figurer sur cette course qui cache en même temps un doux rêve que seuls ses résultats aideront à l’assouvir. «Courir le Dauphiné, c’est comme courir le Tour de France pour moi, c’est une nouvelle étape dans ma vie. Un jour peut-être, je serai le premier Rwandais à faire le Tour de France. »
Go go Abudala@KMPope: Love seeing the efforts from potential @TRwandaCycling ride test on the velotron!#Rwanda pic.twitter.com/8zwiZfW1Uu”
— Adrien Niyonshuti (@AD_Niyonshuti) October 6, 2014
Adrien Niyonshuti est bien plus qu’un coureur cycliste rwandais
A la cérémonie d’ouverture des Jeux olympiques de Londres en 2012, Adrien Niyonshuti était le Porte-drapeau de la délégation rwandaise. Il fut le premier cycliste tout terrain (VTT) à représenter le Rwanda où il s’est classé 39e sur la piste de Hadleigh Farm. Il déclara à l’époque : « Mon principal objectif est de placer le Rwanda sur la carte comme étant un pays de cyclistes qualifiés et non pas uniquement comme le pays du génocide ». Héros au pays des Mille Collines, le président de la Fédération rwandaise de cyclisme, Aimable Bayingana, porte dans son coeur celui qui fut le premier rwandais à participer à une course professionnelle en Europe. « Chaque fois qu’Adrien pédale, c’est l’Afrique qui roule avec lui. Notre continent est unanimement à son côté. » Le Critérium du Dauphiné 2017 compte parmi ses coureurs l’acteur principal du film « Rising from Ashes » (Renaître de ses cendres). Un film/documentaire qui raconte le parcours de jeunes cyclistes de l’équipe du Rwanda qui ont perdu beaucoup de membres de leurs familles au cours du génocide. Produit par l’acteur américain Forest Whitaker et réalisé par T.C Johnstone, ce film a reçu de nombreux prix lors de sa sortie en 2012.
Le triple champion du Rwanda est aussi prophète en son pays
Pour celui qui a été champion du Rwanda trois années consécutives, 2010-2011-2012, le cyclisme est aussi un moyen de développer le courage et la volonté chez les jeunes africains à travers son association « Adrien Niyonshuti Cycling Academy ». Créée dans sa ville natale de Rwamagana, elle a pour but d’accompagner et de soutenir des cyclistes amateurs et de leur transmettre des valeurs positives pour un jour qui sait, devenir professionnels et courir sur les traces de leur prophète. Quelle que soit la place d’Adrien Niyonshuti dimanche soir sur le Critérium du Dauphiné 2017, il l’aura marqué de son empreinte et c’est avec des histoires d’une tragédie indicible comme la sienne, que le cyclisme se doit d’être une terre d’accueil des Justes et des âmes doublement méritantes dans leur incarnation.