Jonathan Vaughters, manager général de la structure Slipstream et donc de l’équipe professionnelle Cannondale-Drapac, revient auprès du quotidien L’Equipe sur le système actuel du cyclisme professionnel. Il a un regard très critique. L’Américain l’accuse de nombreux maux. Mais il a plusieurs propositions pour réformer son sport. Sera-t-il écouter ?
Jonathan Vaughters : « Il faut donner des assurances aux équipes »
Si vous souhaitez Jonathan Vaughters lors des courses européennes, cela est très compliqué depuis plusieurs saisons. En effet, depuis qu’il a repris ses études (maîtrise en administration des affaires), l’Américain passe son temps à aller chercher de l’argent pour son équipe. Un travail à temps complet. « J’ai confié une partie de mon travail à la tête de l’équipe à Charlie Wegelius, Johnny Weltzou et Andreas Klier (les directeurs sportifs). Ca fonctionnait bien, il n’était pas nécessaire de changer les choses après l’obtention de mon diplôme. Et puis le business du cyclisme est compliqué. Nous avons fait une fusion avec Cannondale, puis Drapac, et il faut gérer tout cela. Je cherche des sponsors quasi à temps plein. Si on veut être compétitifs face à Sky ou BMC, on doit augmenter notre budget. On a le plus petit du World Tour (voir ci-dessous). »
💶 Finances #TDF2016 :
Le budget des 22 équipes présentes sur le Tour. Sky en tête, avec 35 M d’€ via @lequipe pic.twitter.com/G8SBhYjoKK— Renaud Breban (@RenaudB31) 19 juillet 2016
Et contre ce modèle du cyclisme professionnel qu’il tente de se battre. Pour éviter aux équipes de ne penser qu’à la recherche de sponsors, « il faut donner aux équipes l’assurance de disputer les grandes courses sur le long terme ». Vaugthers ajoute : « Les sponsors veulent être certains qu’on va courir le Tour de France les quatre ou cinq prochaines années. (…) Quinze millions d’euros, c’est cher pour un ‘peut-être’. »
« Tinkov n’a pas trouvé de sponsor alors qu’il a Sagan dans son équipe ! »
Avec le départ d’Oleg Tinkov, Jonathan Vaugthers partageait une certaine vision du cyclisme. « Il faut pouvoir investir. Ce qu’a fait Tinkov, par exemple, ce n’est pas de l’investissement. Il a peut-être mis 60 millions d’euros dans son équipe mais tout est parti en fumée. Qu’est ce qu’il en reste ? Rien. Il faut que quelqu’un qui achète 51% de mon équipe, par exemple, puisse envisager de les vendre un peu plus cher dans cinq ou dix ans. »
La valeur d’une équipe, ce n’est pas seulement le bus et les vélos, c’est aussi la participation aux plus grandes courses comme l’explique le manager général de Cannondale-Drapac. « C’est absolument impossible (de vendre une équipe) si les équipes n’ont pas l’assurance de figurer dans les plus grandes courses. Sinon, qu’est ce que je peux vendre ? (…) On peut vendre une équipe de foot, une équipe de baseball, mais pas une équipe de vélo… Regardez encore Tinkov ! Il n’a pas trouvé de sponsor alors qu’il a Peter Sagan dans son équipe ! »
Il faut aussi oublier « la course aux points World Tour »
Jonathan Vaughters continue son argumentaire. « Il faut pouvoir signer des contrats de cinq ans avec les coureurs, et oublier cette course aux points qui, aujourd’hui, est complétement stérile. Si on ne cherche plus les points à tout prix, on peut prendre des risques pour gagner des courses. Le spectacle en sera amélioré. »
Il ajoute que ce modèle incite les coureurs à franchir la ligne rouge. « Le système actuelle est aussi un facteur aggravant de dopage. Quand arrive la fin de saison et que tu es la dix-huitième équipe au classement, tu es en situation très dangereuse. J’ai été cycliste pro, je sais que la peur de voir votre équipe exploser ou de ne plus être payée vous fait commettre des erreurs. Il faut éliminer ce risque. »
Mettre en place une ligue privée comme la NBA ou la NFL ?
CannondaleDrapac et dix autres équipes professionnelles ont intégré l’association Velon qui souhaite mettre en place une ligue privée pour éviter tous les problèmes cités au-dessus. Mais certains critiquent ce choix, motivé seulement pour l’argent. « Tout le monde pense qu’à travers Velon, on veut le pognon d’ASO (Amaury Sport Organisation, ndlr). Pas du tout. On veut seulement assurer notre pérennité. Aujourd’hui, le Tour donne 50000 euros à chaque équipe inscrite à l’épreuve. Mais, moi, je dis : je vous laisse ces 50000 euros, contre l’assurance de faire le Tour chaque année. »
Avec une entente entre les équipes, l’Union Cycliste Internationale et les organisateurs de courses, on aurait donc une ligue composée d’équipes qui se disputeront les plus grandes courses du calendrier. Mais quid d’un nouvel investisseur ? « On fera comme en NFL. QUand arrive une grande ville qui veut son équipe, elle peut entrer. Ca se fait de temps en temps, au coup par coup. Mais tu peux toujours acheter une équipe existante. Cette année, tu pouvais acheter Tinkoff, IAM… Beaucoup de manager (pensent comme moi). Mais pas les Français, qui ont l’assurance de disputer le Tour, même s’ils descendent en deuxsième division », conclut-il.
L’interview est intéressante, elle a au moins le mérite d’exposer un certain nombre d’idées . Il a au moins le mérite d’aborder notamment la question du contrat des coureurs tel qu’il fonctionne actuellement, question combinée à celle du dopage et il est extrêmement rare de voir un responsable parler de ces questions-là . Sur l’importance du tour, il n’est pas du tout en contradiction avec ce qu’il a voulu faire l’an passé avec P.Roland…Mais celui-ci, pris et sans doute géné par la façon d’aborder cet objectif, une méthode à base de stages et trop planifiée pour la personnalité de ce coureur, n’a pas supporté…Après un début de tour parfaitement entouré et sans perte de temps, le grain de sable de sa chute dans Peyresourde a totalement enrayé la machine …