Tête de proue du cyclisme français quand celui-ci mangeait son pain noir, Thomas Voeckler vient de raccrocher le vélo. Non sans s’être constitué un palmarès impressionnant : Flèche Brabançonne, étapes du Tour de France, Grand Prix de Plouay, Grand Prix du Québec, Tours du Haut-Var, Route du Sud, Tour de Yorkshire… Retour sur dix moments qui ont forgé la légende Voeckler.
Les premiers succès de Thomas Voeckler
21 mars 2003 : Classic Loire-Atlantique première victoire pro
Nouvellement ouverte aux coureurs pros, la Classic Loire-Atlantique a été créée seulement trois ans auparavant. L’équipe vendéenne Brioches La Boulangère, dont fait partie Thomas, a son siège social à quelques dizaines de kilomètres du lieu de l’arrivée. Les hommes de Jean-René Bernaudeau sont donc en mission. La bonne échappée, composée de 16 coureurs, part au km 90. Outre Voeckler, on y retrouve notamment Charteau, Engoulvent, Hinault ou encore Mengin. Les hommes en rouge savent jouer de leur surnombre et annihilent parfaitement les tentatives de contre derrière Thomas Voeckler, quand celui-ci part à une vingtaine de kilomètres de l’arrivée. Il s’impose en solitaire et obtient la première de ses 59 victoires professionnelles.
17 juillet 2004 : Ti-Blanc résiste au quintuple vainqueur du Tour
Une voecklermania s’est emparée de la France depuis 9 jours et la prise du maillot jaune par le pensionnaire de la formation de Bernaudeau. Quasiment sorti de nulle part (seulement 6 victoires professionnelles), le coureur de 25 ans séduit autant par sa fraîcheur que par son parcours. Un Alsacien élevé aux Antilles et finalement installé en Vendée, voilà qui est peu banal. A l’orée de cette 13e étape, l’avance de Voeckler (5’02) semble trop faible au regard du profil de l’étape, et notamment cette arrivée prévue au Plateau de Beille… Pourtant, le coureur va définitivement s’attirer l’affection du public avec une ascension finale héroïque. A l’arrivée, poing levé, sourire angélique et 22 secondes de marge conservées sur Lance Armstrong. Voeckler aura conservé la tête du général pendant 10 jours. Il fallait remonter à 1992 pour voir un Français en jaune aussi longtemps sur les routes du Tour. Il s’agissait alors de Pascal Lino (RMO). Une autre époque…
2 septembre 2007 : Victoire au Grand Prix de Plouay
Guimard, Kelly, Leblanc, Bartoli, Nibali… Le palmarès de celle qui est aujourd’hui appelée la Bretagne Classic impressionne. En bon puncheur, l’Alsacien se devait d’inscrire son nom dans les traces de ces prestigieux devanciers. Ce sera chose faite en ce 2 septembre 2007, lorsqu’il tord le cou au scénario de sprint massif qui se profile en partant dans la descente de Ty-Marrec, à moins de 3 kilomètres de la ligne. Cette victoire dans une épreuve Pro-Tour est alors la plus belle de Voeckler. Pour encore deux ans…
Le Tour, une autre dimension
8 juillet 2009 : Première victoire au Tour de France
La 131e aura été la bonne pour Voeckler. C’est en effet lors de sa 7e participation à la Grande Boucle, et donc après 130 jours de course, que la victoire lui sourit enfin. Mais qu’elle fut dure à aller chercher ! Echappé dès les premiers kilomètres avec quelques autres fuyards, le Vendéen d’adoption a choisi l’offensive sur une étape promise aux sprinteurs. Car même un pur pistard comme Cavendish ne peut être effrayé devant les deux cols de 4e catégorie à franchir aujourd’hui. 41 secondes d’avance sur le peloton à 30 km de la ligne, les carottes semblent cuites. Pourtant, le peloton ne s’organise jamais tout à fait, et l’avance est quasiment inchangée 25 km plus loin, lorsque Voeckler s’isole en tête. Au terme d’un effort solitaire héroïque, le protégé de Bernaudeau s’impose, sept petites secondes devant le peloton…
27 juin 2010 : Deuxième titre national, chez lui en Vendée
De l’aveu du coureur, sans doute sa plus belle victoire… Avec ce championnat national qui se déroule à Chantonnay, sur les terres de Jean-René Bernaudeau, la pression est énorme pour le leader de Bbox. Sans victoire depuis la 5e étape du Tour de France précédent, Voeckler n’en est pas moins le favori pour revêtir le maillot tricolore à l’issue de cette journée. Sorti en costaud à cinquante bornes de l’arrivée, il battra Christophe Le Mével au sprint dans les rues de Chantonnay pour devenir champion de France pour la deuxième fois.
22 juillet 2011 : Le rêve de podium à Paris s’évanouit
Comme en 2004, Voeckler a le jaune sur ses épaules depuis 10 jours. Mais le statut du coureur a changé, et il ne reste plus que trois étapes avant Paris. L’idée de revoir enfin un Français sur la boîte à Paris prend forme. Et si la France avait même enfin trouvé le successeur de Bernard Hinault, dernier vainqueur tricolore en 1985 ? La manière dont le coureur d’Europcar a conservé son maillot depuis 10 jours rend l’idée pas si farfelue. Dans cette étape très courte (109 km) terminant à l’Alpe d’Huez, Alberto Contador joue son va-tout. Il attaque dès les premières rampes du Télégraphe au km 17. Les principaux favoris (Evans et les frères Schleck) suivent. Thomas Voeckler aussi. Il s’accroche, sans doute inconsidérément, et se retrouve isolé alors qu’il reste 85 km de montagne… La journée galère commence là où se terminent les rêves de podium à Paris. 4e du général à l’issue de l’étape, ce sera également le classement à Paris, pour ce qui est sans doute le plus gros regret de la carrière du néo-retraité.
Les derniers coups d’éclat
22 avril 2012 : la plus belle place sur un Monument
Puncheur de talent, ses plus belles victoires, Thomas les a obtenu grâce à son tempérament d’attaquant. Les plus grandes classiques, souvent verrouillées par les grosses équipes, sont naturellement plus difficiles à conquérir. 8e du Tour des Flandres début avril, c’est quelques semaines plus tard qu’il obtient son meilleur résultat sur l’un des cinq Monuments cyclistes. Le 22 avril, il termine au pied du podium de la Doyenne. Dans le coup jusqu’à la fin, il subira lui aussi l’attaque de Maxim Iglinsky, et finira dans le premier groupe de poursuivants.
19 juillet 2012 : victoire de l’étape reine du Tour de France
Une échappée de 38 coureurs dans l’Aubisque, un trio avec Dan Martin et Brice Feuillu dans le Tourmalet, un duo avec Brice Feillu dans l’Aspin et une victoire en solitaire au pied du Peyresourde. Avec cette victoire de prestige, Voeckler confirme qu’il sait passer les cols, et qu’il sait surtout flairer les bons coups. Une échappée avec Thomas Voeckler, c’est une bonne probabilité que ça aille au bout…
1er mai 2016 : La dernière victoire professionnelle
Troisième et dernière étape du Tour du Yorkshire 2016. Après deux sprints massifs, c’est aujourd’hui que tout va se jouer. Fort de sa 3e place sur l’épreuve l’an passé, le coureur de Direct Energie sait que le parcours lui convient. Ces innombrables bosses conviennent parfaitement à son profil et à son caractère offensif. Il règle finalement facilement Nicolas Roche au sprint après que tous deux se soient extraits de l’échappée dont ils faisaient partie à quelques kilomètres de l’arrivée. C’est la douzième (et dernière) course à étapes qu’il remporte.
23 juillet 2017 : jeune retraité du peloton
L’histoire retiendra donc que c’est pas une XXe place que Thomas Voeckler en a fini avec 17 ans de professionnalisme. Un résultat anecdotique mais une scène hautement symbolique. Car quel plus beau théâtre pour tirer le rideau que les Champs-Elysées, terme de la course qui l’a consacré 13 ans auparavant ?
Une carrière intégralement passée sous les ordres, si l’on peut dire pour ce coureur qui courait davantage à l’instinct, de Jean-René Bernaudeau. Bonjour, Brioches La Boulangère, Bouygues Télécom, Europcar et enfin Direct Energie, autant de sponsors pour lesquels l’atout Voeckler a été l’une des raisons, si ce n’est la raison principale, d’investir dans le cyclisme. Le cyclisme français doit beaucoup à Thomas Voeckler qui a su attirer spectateurs, téléspectateurs, sponsors… Il le en meilleure santé qu’il ne l’a trouvé lorsqu’il a fait ses débuts professionnels. Et sans doute faut-il y voir un peu plus qu’une simple coïncidence…